LES VICTOIRES, Parcours d’oeuvres le long du Canal Saint Denis

Le long des berges réaménagées du Canal Saint-Denis, à pied, en vélo ou en bateau, les promeneurs peuvent découvrir le parcours artistique Les Victoires composé de 6 oeuvres monumentales, venant s’ajouter à la quarantaine d’oeuvres de la Street Art Avenue.

Six artistes ont été invités à maintenir vivantes et vibrantes les valeurs et les joies des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 dans la mémoire des habitants de Plaine Commune, des visiteurs internationaux et des générations futures le long de ces 5 kilomètres de balade, inédits en Europe.

Conçues comme des monuments, pièces maîtresses d’un nouveau matrimoine et patrimoine commun, les oeuvres ponctuent la promenade réaménagée qui se déploie le long du Canal Saint Denis. Les promeneurs peuvent ainsi découvrir des oeuvres poétiques, engagées et teintées d’humour, jouant avec les éléments, le contexte et le vivant. Leur présence souligne l’importance des enjeux écologiques dans la construction d’un futur commun et contribue à écrire un nouveau récit collectif, au service de la construction d’un monde inclusif et respectueux des écosystèmes dans toutes leurs diversités.

Les oeuvres du parcours

Entre deux rives de Charlotte Denamur se présente comme une arche triomphale et colorée qui inaugure le parcours artistique.
Un immense drapé magnifie le pont de Stains, et s’ouvre, tel un rideau de théâtre, sur l’axe de la rivière, dédié à la ferveur et au spectacle des JOP. Réalisée à partir d’une numérisation d’une centaine de peintures de l’artiste, la toile évoque un jardin aquatique, reflétant les mille et une nuances du crépuscule. Par sa dimension monumentale et ses teintes flamboyantes, elle marque une ultime étape à franchir pour atteindre les lieux des festivités et de tous les dépassements. Hommage aux arches franchies par les vainqueurs comme aux ponts qui se dressent, Entre deux rives, est une œuvre lien, qui invite à rassembler, à franchir les frontières sociales, culturelles, symboliques et ouvre un horizon onirique, un espace de contemplation comme de célébration.

Face à la nouvelle station de métro Aimé Césaire, l’installation Playground de Mathieu Lorry Dupuy met en scène un groupe d’enfants, évoquant le deuxième jour des jeux dédié aux jeunes athlètes dans l’Antiquité grecque. Comme suspendues dans le temps, une douzaine de figures enfantines jouent, se prêtent à d’étranges serments, parades, hommages, réinventent avec innocence les rituels des jeux dans toutes leurs dimensions, de récréation, de dépassement, de concorde et d’affrontement. En dialogue avec le paysage industriel, l’œuvre se veut à la fois réenchantement du site et hommage au passé de ce quartier populaire qui a vu tant de générations d’enfants évoluer, grandir, apprendre et découvrir le monde. Le mode de fabrication singulier, entièrement à base de déchets plastiques collectés localement et imprimés en 3D donne aux sculptures une qualité graphique et colorée inédite.

Le long du quai François Mitterrand, les visiteurs peuvent s’immerger dans Couleur du temps, une fresque monumentale de Flora Moscovici qui s’étend sur 250 mètres. L’invite est à la contemplation d’une œuvre lumineuse, inspirée par les variations colorées du ciel du Canal Saint Denis et les nuances douces et chatoyantes qui s’y reflètent ici, à la surface de l’eau, notamment au coucher du soleil. Fruit d’un travail d’observation portée aux détails architecturaux, à l’atmosphère, aux couleurs environnantes et aux traces d’occupations successives, l’œuvre de Flora Moscovici s’attache à créer un « espace autre » et propose une lecture affective du lieu, chargée de nouvelles sensations. À l’aide d’une peinture écologique à base de chaux, elle révèle plus de vingt-cinq teintes principales et plus d’une cinquantaine de mélanges subtils comme un hymne poétique aux infinies transformations du monde.

En face du Parc Eli Lotar, juchée au sommet d’une colonne d’inspiration antique, se tient la figure populaire et sportive d’une femelle kangourou tenant un objet qui ressemble fort à un ballon de rugby. Mais en réalité, il s’agit dans cette oeuvre L’entraide et l’évolution de Victoria Klotz d’un œuf surdimensionné de sterne, une hirondelle des mers, qui nidifie fréquemment sur les quais du canal Saint Denis. La kangourou qui semble avoir sauté là-haut pour protéger l’œuf, devient à la fois un symbole d’agilité et d’équilibre mais aussi de protection et de solidarité envers les espèces vulnérables. Entre cosmopolitisme et biodiversité, cette kangourou venue des antipodes agit comme un point de repère pour les voyageurs des Jeux. Des nichoirs à oiseaux dissimulés dans le chapiteau de la colonne offrent aux passants le spectacle des passereaux qui habitent librement l’œuvre.

La nouvelle passerelle Lucie Bréard s’orne de l’Envol, une figure emblématique en bronze : un jeune garçon qui défie les lois de l’apesanteur pour libérer un oiseau. Imaginée par Lucy + Jorge Orta, ce Genuis Loci, ou génie des lieux est une figure du jeu mais aussi un appel aux générations futures, un geste d’espérance pour un monde plus conscient des défis écologiques, une image dynamique et poétique de renouveau pour un quartier en devenir, au cœur des transitions urbaines et écologiques. Avec toute la ferveur de la jeunesse, il nous montre le chemin à parcourir, pour que l’avenir de ce paysage industriel devienne plus inclusif pour sa population et son environnement.

En face du jardin de l’Ecluse, du 25 juillet au 3 août 2024, Abraham Poincheval a résidé dans son œuvre La Bouteille. Elle s’étend sur 580 centimètres de long et 190 centimètres de diamètre et est devenu cet été un véritable vaisseau habité par l’artiste. Positionnée en face du Stade de France, elle a permis à l’artiste d’observer depuis le canal le spectacle de la flamme olympique. Pendant dix jours, il s’est tenu en marge du quai où passeront habitant·es, supporters et touristes intrigué·es. Habitué des pratiques extrêmes, Abraham Poincheval fait écho aux notions d’enfermement, d’isolement et d’immobilité, s’ouvrant au voyage méditatif et questionnant la résilience des corps ainsi que leurs interactions environnementales. Ainsi embouteillé, Abraham Poincheval s’entoure du minimum vital – eau, vivres, nécessaire de secours et commodités – et d’un écosystème végétal faisant de l’habitacle à la fois un jardin, une serre, une chambre à coucher, une cuisine, un salon, une salle à manger, des toilettes sèches. L’expérience de La Bouteille reprend les notions de performance et d’endurance pour les questionner : dans une société survoltée aux modes de vie intensifiés, l’immobilité n’est-elle pas un effort remarquable, un objet potentiellement politique, une performance d’abnégation ou de maîtrise de soi ?