Blühen
Pour l’éclosion d’une écologie culturelle. Première édition le 5 octobre au Goethe Institut de Nancy.
Publié le 12 septembre 2020
Du 16 septembre 2020 au 31 janvier 2021 la Fondation groupe EDF présente Courants verts, Créer pour l’environnement. Pour la première fois en France, une exposition d’envergure qui réunit des artistes internationaux engagés dans le combat écologique.
Avertir, Agir et Rêver sont les trois axes qui composent le parcours de l’exposition sous le regard de son commissaire, Paul Ardenne, historien de l’art et auteur de l’ouvrage Un Art écologique. Pour le catalogue, Paul Ardenne, interview Lauranne Germond, co-fondatrice et directrice de l’association COAL.
Joseph Beuys, Barbara et Michael Leisgen, Lucy et Jorge Orta, Sarah Trouche, Nicole Dextras, Jéremy Gobé, Nathan Grimes… tous sont résolument engagés à travers leurs installations, photographies, vidéos ou dessins à affronter les défis que pose l’Anthropocène : ce moment où les activités humaines perturbent en profondeur les processus naturels, imposent à l’humanité de nouveaux comportements, un rapport à l’environnement, une culture et des mentalités à refondre.
Sans pessimisme, Courants verts, Créer pour l’environnement souligne avec les œuvres présentées le processus d’adaptation que traverse aujourd’hui l’humanité. L’exposition rappelle que l’art joue son rôle dans cette mutation essentielle caractéristique de l’actuelle transition climatique en agissant sur les imaginaires et en proposant de nouveaux récits.
Extrait de l’interview :
Paul Ardenne : la notion d’art « environnemental » est complexe. Les Anglo-saxons parlent d’« Eco Art », ce qui n’est pas forcément clair non plus. Comment définiriez-vous, pour couper au plus court, un art « vert » ?
Lauranne Germond : Il est toujours délicat d’enfermer l’art dans des catégories, d’autant que cet art « vert » recouvre une très grande diversité, une vaste nuée de pratiques verdoyantes ! Le terme d’art « écologique » a l’avantage de recouvrir le champ politique et social, d’en référer à la pensée complexe et systémique de l’écologie plutôt qu’à sa seule dimension environnementale, qui est assez réductrice. On peut aussi contester le recours à la couleur verte, qui tend par exemple à faire oublier le bleu. Celui de l’atmosphère et des océans, qui représentent pourtant 90 % du monde vivant…
Il faut donc gagner en précision. Une définition simple est exclue ?
Je distinguerai pour ma part trois typologies de pratiques à même de définir ce qui constitue aujourd’hui un art dit « écologique », des typologies qui souvent se croisent et se superposent : le témoignage et le partage de connaissance ; l’action politique et symbolique ; les pratiques de résilience.
Pouvez-vous développer ?
Première typologie : celle propre aux artistes qui témoignent, qui donnent un visage à l’anthropocène, qui rendent perceptibles tout à la fois l’ampleur de la crise écologique, les pollutions cachées, les souffrances lointaines, l’appauvrissement de ressources insoupçonnées, la dégradation voire la destruction des écosystèmes et leurs conséquences sur les populations, le vivant et les paysages.
Cette approche recouvre une vaste palette de pratiques documentaires mais aussi, plus largement, une grande partie des démarches Art et science actuelles. Chaque manifestation de la crise écologique dévoile un champ de connaissances scientifiques qui suscite la fascination des artistes et bouleverse les imaginaires artistiques. Observations, expériences, travail de terrain…, les artistes s’approprient les outils des sciences pour explorer, pour comprendre et pour partager l’état de l’art en matière d’appréciation scientifique de la crise écologique.
En retour, ils chamboulent l’univers de rectitude des laboratoires et leurs ouvrent des perspectives en terme de partage des connaissances et de sensibilisation à l’écologie.
Une création multidirectionnelle
Seconde typologie, disiez-vous, l’action politique et symbolique.
Oui, l’art qui agit sur les systèmes à l’origine de la crise écologique pour les dénoncer, les court-circuiter, les transformer. L’action artistique, dans ce cas, est plus délibérément politique. Ses armes sont la déprogrammation des imaginaires par l’écriture de nouveaux récits, utopiques et dystopiques, mais aussi par la décolonisation des systèmes de représentation jusque dans le champ lexical. Au point d’aller jusqu’à inventer de nouveaux mots pour nous permettre de parler de notre ressenti au contact du changement climatique, comme y invitent les artistes activistes new-yorkaises Heidi Quante et Alicia Escott. Mentionnons ici, encore, la sculpture sociale.
Celle-ci réinvestit le champ du collectif pour donner aux citoyens le pouvoir de changer les règles à des échelles microlocale (Thierry Boutonnier). Également, le parasitage des cadres légaux (Amy Balkin, Maria Lucia Cruz Correia), avec pour but de faire reconnaître des droits ou des crimes environnementaux par le biais d’une action symbolique et collective forte. C’est là l’écologie politique en art. Elle se construit sur des liens de communauté, le partage, la convivialité et le symbolique.
Ce qui nous amène à votre troisième typologie, l’activisme direct.
Le troisième champ pratique, concernant la création « verte », entend agir directement au niveau des écosystèmes et de l’empreinte écologique, dans une perspective de résilience : l’art devient indissociable des façons de faire et de produire. Il se base sur des principes opératoires tels que l’économie des moyens, le réemploi, l’utilisation de matériaux à faible impact environnemental, l’invention de nouveaux matériaux ou encore la restauration de milieux naturels (Anne Fischer). Il peut s’agir de ramener du naturel en ville ou au contraire de réactiver les potentiels d’espaces ruraux délaissés. On relève dans ce domaine une explosion des pratiques. En effet, on ne compte plus les tiers lieux et les projets de territoires ultralocaux portés par des artistes qui veulent réconcilier leurs convictions, leurs modes de vie et leur création. Les artistes deviennent alors diversement fermiers (Olivier Darné), ingénieurs (Jérémy Gobé), herboristes (Suzanne Husky), bergers (Fernando Garcia Dory), et même parfois araignée ou loup (Boris Nordmann). Cette forme d’art se lie étroitement à la nature, de facto. Jusqu’à renouveler même la définition de l’art… Oui. Même si ces exemples d’art « naturiste » rappellent justement que ce chemin de reconnexion à la nature, pour notre culture qui en est si éloignée, ne se fait pas si simplement. Aussi l’art écologique donne-til également naissance à toutes sortes de tentatives pour reconstruire un lien intime avec le vivant : dialoguer avec les espèces non humaines (interspecisme), raviver des états de conscience perdus par l’intermédiaire de pratiques spirituelles, rituelles ou chamaniques. Là aussi, c’est tout un champ de l’art contemporain qui s’y attèle.
Pour lire l’intégralité de l’interview, découvrez l’extrait du catalogue d’exposition dans le dossier de presse de l’exposition ICI
Pour l’éclosion d’une écologie culturelle. Première édition le 5 octobre au Goethe Institut de Nancy.
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