PRIX COAL 2021 : LES LAURÉAT·ES

PRIX COAL 2021 : LES LAURÉAT·ES

Le collectif FIBRA a été récompensé par le Prix COAL hier pour son projet Desbosque: desenterrando señales. Un prix spécial du jury a également été attribué à Erik Samakh pour son projet Zones de bruit. Les prix on été remis lors d’une cérémonie organisée au musée de la Chasse et de la Nature à Paris, en présence des artistes nommés et des membres d’un jury d’experts de l’art, de l’écologie et de la recherche placé sous la présidence de Christine Germain-Donnat, directrice du musée de la Chasse et de la Nature, et de Joëlle Zask, philosophe.

Crédit image : © Julie Bourges

Cette édition du Prix COAL consacrée à la forêt fait écho à la première édition des Nuits des Forêts, un festival grand public qui se tiendra les 2, 3 et 4 juillet prochains. Porté par l’association COAL et FIbois France, l’interprofession des forêts et du bois, les Nuits des Forêts entendent sensibiliser à la crise de la forêt, aux enjeux de la gestion forestière, et promouvoir de nouveaux rapports au vivant par l’expérience artistique et le sensible, à l’échelle de chaque territoire.

Treize millions d’hectares de forêts disparaissent chaque année, sous la pression de l’agriculture, du surpâturage, de l’exploitation du bois, et de l’urbanisation ; des pans entiers des forêts d’Amazonie, d’Australie, d’Afrique subsaharienne brûlent tandis que d’autres meurent sur pied sous l’effet du réchauffement climatique, privant ainsi la faune de ses habitats naturels. Partout dans le monde, des peuples luttent pour défendre ces réserves de vie et de culture et en faire les modèles de nouveaux mondes à bâtir. Vitale pour l’équilibre global des écosystèmes, la forêt l’est tout autant pour les sociétés humaines qui, depuis des millénaires, vivent directement ou indirectement de ses ressources.

En quelques décennies, la forêt est devenue le symbole et le point de convergence des convoitises, des catastrophes environnementales et des luttes qui agitent le monde contemporain en crise. Le Prix COAL 2021 promeut les artistes qui révèlent les richesses sylvestres, pour sentir et expérimenter les équilibres écologiques des forêts, pour promouvoir la diversité des êtres et des cultures qui les habitent, pour raviver leurs savoirs ancestraux et en faire naître de nouveaux, pour nourrir les mouvements de résilience qu’elles inspirent, agir avec leurs protecteurs et inventer d’autres manières d’être ensemble dans les bois.

Les membres du jury ont activement délibéré « Je voudrais saluer tous les artistes qui ont été retenus ce soir et dont nous avons découvert les projets avec beaucoup de joie, beaucoup d’attention, et parfois aussi beaucoup d’émotion » résume Christine Germain-Donnat, directrice du musée de la Chasse et de la Nature.

« Avec ce travail on a un porte-voix très avant-gardiste des problèmes d’aujourd’hui mais surtout de demain et en même temps une sensibilité artistique qui les rend profondément partageables. La forêt apparaît vraiment comme sujet-objet et chacune des artistes se présente comme partenaire de la forêt en même temps que son élève et son maître » a déclaré Joëlle Zask, philosophe.

PRÉSENTATION DU PROJET LAURÉAT DESBOSQUE: DESENTERRANDO SEÑALES DU COLLECTIF FIBRA (PÉROU)

Le département d’Ucayali, au cœur de l’Amazonie, est l’une des zones forestières les plus denses du Pérou et qui connaît aujourd’hui aussi l’un des taux de déforestation les plus élevés au monde à cause de l’exploitation sylvestre illégale, du trafic de terres, de l’huile de palme et des implantations pétrolières. Pour la seule année 2019, la surface de forêt perdue serait équivalente à 67360 terrains de football.

Au cœur de cette forêt, une plantation de palmiers à huile ravage actuellement les terres ancestrales de la communauté indigène de Santa Clara d’Uchunya. Le collectif péruvien Fibra s’est rendu sur le lieu à la rencontre de son peuple et de leurs histoires souterraines. Car sous le sol forestier, plantes, arbres et champignons se relient les uns aux autres pour former de vastes réseaux mycorhiziens de communication et d’échanges : un «wood wide web» bien plus ancien que l’Internet.

Desbosque: desenterrando señales («déforestation : déterrer des signes ») convoque ce réseau complexe et vivant à travers une installation immersive et organique, peuplée de sculptures en mycélium. Moulées dans des formes d’outils de communication humaine tels que des mégaphones, des radios, des téléviseurs, elles diffusent les données récentes sur la déforestation du département d’Ucayali. Le dialogue qui s’y joue est un échange interespèce, entre les champignons et les arbres disparus, entre la forêt et ses habitants, transformant l’espace d’exposition en un organisme vivant qui palpite à la même fréquence que la déforestation.

En puisant ainsi dans les réseaux souterrains, le collectif représente les liens invisibles entre la vie dans la forêt et les actes des urbains dans la ville, et met ainsi en évidence les causes et les impacts sociaux, politiques, culturels et économiques croisés de la déforestation.

« Il est très important pour nous de parler des luttes de la communauté tout en incluant leurs voies. Notre conversation passe par l’art. Nous discutons avec des humains, des non-humains, sur place, localement, avec des femmes mais aussi avec la forêt qui est notre partenaire et qui nous aide à communiquer ou à rendre communiquant nos objets de communication qui ne communiquent plus du tout. » Collectif Fibra, Lauréats du Prix COAL 2021

Collectif Fibra (Pérou)
Gabriela Flores del Pozo, Lucia Monge et Gianine Tabja, nées à Lima, Pérou.

Fibra colectivo est un collectif artistique de femmes péruviennes fondé en 2019 par les artistes Gianine Tabja, Lucia Monge et Gabriela Flores del Pozo. Dans leur travail, la production de connaissances est pensée comme un processus collaboratif et interdisciplinaire qui mêle méthodologie de recherche, connaissances disciplinaires, savoirs traditionnels et pratiques artistiques. « Nous tressons nos pratiques et nous renforçons ainsi nous-mêmes, à travers chacune de nos fibres, nous nous connectons et échangeons dans et avec notre environnement. » Leur approche par la collaboration et l’écologie les conduit à explorer et à utiliser des matériaux durables impliquant parfois la co-création avec d’autres espèces. En 2021, le collectif présente une exposition au musée d’Art contemporain de Lima.

© Fibra Colectivo, Desbosque: desenterrando señales, 2021. Juan Pablo Murrugarra / MAC Lima.
© Fibra Colectivo, Desbosque: desenterrando señales, 2021. Juan Pablo Murrugarra / MAC Lima.

PRÉSENTATION DU PROJET ZONES DE BRUIT DE ERIK SAMAKH,
LAURÉAT DU PRIX SPÉCIAL DU JURY DU PRIX COAL 2021

Les monocultures intensives d’arbres (plantations à grande échelle le plus généralement d’arbres exotiques d’une même espèce et du même âge) ont des répercussions écologiques lourdes et de plus en plus décriées sur le vivant. Mais les impacts de ces champs d’arbres sont aussi sensoriels : visuels, olfactifs et surtout auditifs.

Poursuivant sa série des « opéras biotiques », Érik Samakh, avec Zones de bruit, met au point un protocole de gestion et de transformation de parcelles de conifères en monoculture dans le but de laisser se développer le plus naturellement possible une forêt mixte et la biodiversité. Il crée tout d’abord une clairière en procédant à une « coupe blanche » sur une surface délimitée de cette monoculture, en collaboration avec les sociétés d’exploitation forestières locales, des associations de protection de la nature, des étudiants d’écoles d’art ou d’écoles forestières. Puis il s’agira d’y laisser les plantes pionnières reprendre leur territoire tout en régulant méthodiquement la pression démographique des conifères. Il en résultera un contraste naturel à la fois plastique et sonore entre les plantations artificielles et la forêt mixte naissante. Dès que les plantes recolonisatrices apparaissent dans la lumière de la clairière, les insectes, les reptiles et les oiseaux s’installent, ainsi que les petits et les grands mammifères. Il est alors possible d’écouter le « bruit » de la zone.

Telles les trouées que Gordon Matta-Clark réalisait en son temps dans les territoires abandonnés des villes qui révélaient des absurdités urbanistiques, doublées d’une interpellation sur la notion de propriété, Érik Samakh ouvre des perspectives dans le paysage en créant des inserts de bruit dans des espaces de monoculture dont il révèle le caractère artificiel. Le territoire ainsi métamorphosé acquiert un nouveau statut et devient œuvre d’art.

« Mon quotidien est au milieu des bois, des ronces, des cerfs et des abeilles et j’améliore tous les jours une forêt nourricière. Avec Zones de Bruit, je propose de transformer des zones de forêts silencieuses en zones de forêts bruissantes, en zones dans lesquelles la biodiversité règne. Le statut des parcelles modifiées change alors pour devenir oeuvres d’art. Que se passera-t-il si des centaines d’hectares devenaient ainsi oeuvres d’art ? » Erik Samakh..

Érik Samakh (France)
Né en 1959 à Saint-Georges-de-Didonne, France. Vit et travaille dans les Hautes-Pyrénées, France.

Vivant depuis bientôt vingt-cinq ans en milieu forestier de moyenne montagne, Érik Samakh se présente comme un « artiste-chasseur-cueilleur ». Son œuvre entière naît d’un dialogue constant entre l’homme et la nature. Attentif à ses bruits et à ses sons, à ses couleurs comme à ses différents règnes, il agit en arpenteur. Depuis trente-cinq ans, il capte, enregistre et restitue ce qui constitue pour lui une véritable matière plastique qu’il installe et diffuse en autant de lieux propres à la découverte. Il intervient notamment dans le paysage et le fait réagir, en y greffant différents instruments de son invention. Après les Hautes-Alpes, ce sont les Hautes-Pyrénées qu’il a choisies pour développer sur vingt hectares son laboratoire, un atelier à ciel ouvert, une forêt nourricière matrice et conservatoire de ses recherches. Un grand nombre de ses œuvres ont été jouées sur les sites naturels comme les parcs régionaux ou des réserves géologiques.

© Érik Samakh. Zones de bruit, 2021.
© Érik Samakh. Zones de bruit, 2021.

JURY 2021

  • Frédérique Aït-Touati, Chercheuse au CNRS et metteure en scène
  • Daria de Beauvais, Commissaire d’exposition au Palais de Tokyo
  • Catherine Dobler, Fondatrice de la Fondation LAccolade
  • Christine Germain-Donnat, Directrice du Musée de la Chasse et de la Nature
  • Paul Jarquin, Fondateur et Président de REI Habitat, Président de Fibois IDF
  • Olivier Lerude, Haut fonctionnaire au Développement durable du ministère de la Culture
  • Charlotte Meunier, Présidente des Réserves naturelles de France
  • Nataša Petrešin-Bachelez, Responsable de la programmation culturelle de la Cité internationale des arts
  • Marc-André Selosse, Biologiste, Professeur du Muséum national d’Histoire naturelle de Paris
  • Joelle Zask, Philosophe

La dotation du Prix COAL 2021 et du Prix spécial du jury

Le lauréat du Prix COAL bénéficie d’une dotation de 10 000 euros allouée par la Fondation François Sommer et Coal, répartie en une dotation et une aide à la production dans le cadre d’une résidence animée par le musée de la Chasse et de la Nature au Domaine de Belval, propriété de la Fondation François Sommer.

Le Prix spécial du jury attribué à Erik Samakh est doté de 4000 euros alloués par les partenaires du Prix COAL 2021 : la Fondation LAccolade, REI Habitat et la Fondation Sommer.

Les partenaires du Prix COAL 2021

Créé en 2010 par l’association COAL, le Prix COAL bénéficie du patronage du ministère de la Transition écologique et du soutien du ministère de la Culture, de l’Union européenne via le programme de coopération européenne ACT (Art Climate Transition), du musée de la Chasse et de la Nature et de la Fondation François Sommer depuis 2014.  Ces partenaires du Prix COAL sont rejoints cette année par la Fondation LAccolade et REI Habitat qui soutiennent l’édition 2021 consacrée à la forêt.

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